Blog invité de Lauren Roy, conseillère en politique et en plaidoyer, stagiaire d'Innovate ME

Les forêts tropicales du Gabon sont constituées d'une végétation dense, ce qui en fait d'importants réservoirs de carbone à l'échelle mondiale.

Avant de commencer à travailler avec Le WWF au GabonJe pensais que la définition d'une forêt était assez simple - classer une zone avec une certaine densité d'arbres comme une forêt semblait plus ou moins incontestable. Or, il s'avère que la définition d'une forêt est extrêmement importante pour un pays comme le Gabon. C'est une question à laquelle le gouvernement est actuellement confronté et qui n'a pas de solution facile. Les forêts couvrent 88% du territoire gabonaisCe qui en fait l'un des pays les plus boisés du monde. La végétation est dense et une grande partie est encore une forêt primaire, c'est-à-dire qu'elle n'a jamais été coupée.

Face aux menaces du changement climatique, de nombreux gouvernements, entreprises et particuliers cherchent des moyens de réduire leurs émissions. L'agriculture, la sylviculture et d'autres changements dans l'utilisation des sols ont été jugés responsables d'un grand nombre d'émissions de gaz à effet de serre. un quart des émissions mondiales de carboneen grande partie à cause de la déforestation. L'arrêt de la déforestation en tant que stratégie d'atténuation du changement climatique a gagné du terrain au niveau international grâce à des engagements gouvernementaux à grande échelle, tels que le Déclaration de New York sur les forêts, à des personnes s'engageant à acheter des produits exempts de déforestation. Le regard du monde s'est tourné vers les deux plus grandes étendues de forêts tropicales : le bassin de l'Amazone et le bassin du Congo. Les forêts tropicales sont d'importants réservoirs de carbone et fournissent de nombreux services écosystémiques régulateurs. Les efforts visant à freiner la déforestation se sont concentrés sur ces régions, qui sont pour la plupart intactes.

Pendant des décennies, les forêts du Gabon sont restées largement intactes en raison d'une population peu nombreuse et d'un secteur pétrolier rentable. Mais avec la chute des cours mondiaux du pétrole ces dernières années, le pays cherche à diversifier son économie, notamment en développant son secteur agricole. L'autosuffisance du pays en matière d'approvisionnement alimentaire suscite également des inquiétudes. on estime que 60% de la production gabonaise est importée. Un fonctionnaire du ministère de l'agriculture a indiqué que l'importation de denrées alimentaires coûtait au pays environ 1 milliard de dollars par an. Dans ces conditions, pour un pays comme le Gabon, la volonté mondiale de mettre un terme à la déforestation peut constituer une menace pour son développement. Une étude récente a constaté qu'il existe un risque d'aggravation de l'insécurité alimentaire en cas de politiques strictes d'atténuation du changement climatique mondial.

Lors de la visite d'une plantation d'huile de palme, le personnel gabonais explique le processus de production de l'huile de palme et ses efforts pour préserver les zones à haute valeur de conservation.

L'une des principales cultures visées par les mesures de déforestation zéro est l'huile de palme, qui a été l'un des principaux facteurs de la pollution généralisée et de la perte d'habitat en Asie du Sud-Est. Le Gabon développe actuellement un secteur de l'huile de palme et espère s'imposer comme un producteur d'huile de palme durable. Les plantations gabonaises sont certifiées durables par la Table ronde sur l'huile de palme durable (RSPO)qui est la principale organisation promouvant la production d'huile de palme durable au niveau mondial. Les principes et critères de la RSPO sont actuellement en cours de révision et les nouvelles lignes directrices établies en novembre devraient inclure des exigences plus rigoureuses en matière d'absence de déforestation. Le Gabon espère pouvoir continuer à répondre aux exigences de durabilité, tant pour des raisons environnementales qu'économiques, mais les parties prenantes craignent que les nouvelles normes soient trop rigides. Il existe plusieurs systèmes de classification des forêts développés au niveau international qui déterminent le type de forêt qu'il est permis de couper pour le développement. Toutefois, les seuils proposés par ces normes, qui ne tiennent pas compte de la densité des différentes forêts, pourraient restreindre le développement du Gabon et ne permettre que la conversion de petites parcelles de terre à l'agriculture ou à d'autres usages.

Au Canada, nous avons défriché nos forêts bien avant que la déforestation zéro ne devienne une norme mondiale. Il n'y a jamais eu de restrictions ou de débats sur la question de savoir si nous pouvions ou non développer nos terres et construire notre économie. Bien que le Gabon doive prendre en compte la biodiversité et la conservation de l'environnement au fur et à mesure de son développement, il convient de mieux comprendre et de prendre en compte son climat actuel avant d'imposer une norme unique. Nous comprenons mieux aujourd'hui l'importance des forêts pour la planète et la manière de les protéger et d'empêcher leur destruction. Cependant, imposer des normes sans consulter les communautés qui dépendent de ces économies peut également avoir des conséquences négatives.

En tant que responsable de la politique et du plaidoyer au WWF, je m'efforce d'encourager le gouvernement à prendre des mesures pour garantir le développement durable du secteur de l'huile de palme. Notre travail remplit un rôle de facilitateur, donc plutôt que de dire aux fonctionnaires gabonais ce qu'ils doivent faire, je fournis des recherches et des analyses sur les développements internationaux concernant la déforestation qui peuvent avoir un impact au Gabon. C'est une approche que le WWF utilise souvent dans sa lutte contre la déforestation, en se positionnant comme un partenaire qui peut soutenir, offrir son expertise et aider à mettre en œuvre les meilleures pratiques environnementales. À mon avis, c'est une approche qui tente de combler le fossé entre la pure conservation de l'environnement et les considérations relatives au développement durable.

Essayer de réparer la destruction que nous avons infligée à nos forêts dans le passé avec des normes mondiales strictes qui peuvent entraver le développement durable d'un pays ne me convient pas. Les forêts gabonaises sont plus qu'un simple puits de carbone, elles sont aussi l'élément vital du pays et de ses habitants. Lors d'une récente visite dans la forêt, un ami gabonais m'a montré plus d'une douzaine d'arbres et m'a énuméré leurs utilisations traditionnelles et leur importance dans l'histoire du Gabon. Les Gabonais sont les meilleurs gardiens de leurs propres forêts et leur participation est essentielle pour réussir à freiner la déforestation et à lutter contre le changement climatique.

À propos de Lauren

Lauren Roy est étudiante en master de politique environnementale à l'Institut de l'environnement et de la santé publique (IESP) de l'Union européenne. Sciences Po. Elle est titulaire d'une licence en arts et sciences de Université McGill et travaille actuellement en tant que conseillère en politique et plaidoyer auprès du WWF au Gabon afin de contribuer à l'élaboration d'un plan stratégique visant à promouvoir la conservation de la biodiversité et le développement durable.

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